Première publication en anglais dans Dreaming In Urban Areas (UQP, 1996).
Traduction originale en français par Mylène Angélina Charon.
Parle-moi du mouvement féministe,
de la classe moyenne des gubba (1)
la révolution hétérosexuelle
dans les années 70
quand les hommes portaient des vestes en tweed avec
des coudières en cuir, et les femmes, eh bien
je ne m’en rappelle pas, ou peut-être que je m’en fiche tout simplement
ou que je ne peux pas m’identifier.
Eh bien de quoi ces femmes blanches n’arrêtaient-elles pas de parler?
Quelle genre de névrose était à la mode à l’époque?
Alors peut-être n’étais-je qu’une écolière; et les enfants, comme les femmes,
ont quelque chose qui rejoint ce schéma,
comme si nous n’étions pas dignes d’être écouté.e.s
et qui veut libérer les femmes et les enfants
qu’est-ce qui arrivera dans une société égalitaire
si les femmes et les enfants commencent à devenir suffisants
en ce qu’ils croient qu’ils devraient avoir des droits
et une indépendance économique
et qu’est-ce que ces enfants et ces femmes blanches de la classe moyenne feraient
avec la libération, avec la liberté, avec les choix de
est-ce que je reste avec mon homme, est-ce que je tombe amoureuse avec d’autres
femmes blanches de la classe moyenne, et ça n’aurait pas d’importance si
ma nouvelle femme avait des enfants ou même des enfants et des chiens
Oui je suis pour le mouvement des femmes
Je veux être libre et porter des tennis Dunlop.
Et les femmes indigènes, eh bien sûrement, la libération des femmes blanches doit inclure toutes les femmes dans tous les cas
Ce n’est pas le cas, eh bien ce n’est pas à moi de gérer
Je veux dire comment pourrais-je, moi, une femme blanche de classe moyenne,
qui décide comment budgéter alors que mon homme ne va pas
payer la scolarité et que la carte de diner du club
ne fera plus crédit
Je ne sais même pas si je suis capable
de comprendre
les Aborigènes, dans le Victoria?
Les femmes aborigènes, ici, je n’en ai jamais vu aucune,
et si j’en avais vu, que dirais-je
jamais je ne me sentirais coupable, de vouloir quelque chose
de mieux pour moi, pour les femmes en général, pas seulement les Blanches
de la classe moyenne qui roulent en Volvo, les étudiantes en études féministes à temps partiel
Peut-être que je n’ai pas pensé, peut-être que j’ai pensé que les femmes en général
ça voulait dire, les femmes aborigènes, les femmes Koori du Victoria
Devrais-je m’excuser
Devrais-je me sentir coupable
Peut-être que la solution est de parrainer
un enfant avec World Vision (2).
Oui, c’est probablement ce qu’il y a de mieux,
Je sens que je pourrais gérer ça,
Ecoute, j’aimerais faire quelque chose pour nos Aborigènes
mais je n’en ai pas encore rencontré,
et si j’en rencontrais une je dirais
que toute ces histoires à propos des droits fonciers, peut-être que je suis un peu
effrayée, qu’est-ce que ça veut dire, qu’un jour je me réveillerai
et qu’il y aura ce drapeau, qu’est-ce que c’est, tu sais
rouge, noir et ce cercle jaune, planté devant
et puis quoi, OK je suis désolée, je me sens coupable
est-ce que c’est ça que je devrais crier
du haut de la tour Rialto
Le mouvement des femmes m’a sauvée
peut-être que les années 90 seront différentes.
Je ne suis pas sure de ce que je veux dire, mais je sais que même si
ce n’est pas seulement une libération des femmes qui nous sauvera
c’est un début
Notes de la traductrice :
(1) En argot, désigne les personnes non-Aborigènes. (retour au texte 1)
(2) World Vision est une association chrétienne de lutte contre la pauvreté et l’injustice. (retour au texte 2)
A propos de l’auteure :
Lisa Bellear (1961-2006) était une poète, photographe, activiste, comédienne Goernpil originaire de Minjerribah (Stradbroke Island), Queensland.